Né le 18 novembre 1913 à Mohács, en Hongrie, Endre Rozsda grandit dans une famille bourgeoise juive. Dès l’âge de cinq ans, il dessine quotidiennement sur un mur de la maison familiale, prémices d’une vocation affirmée très tôt : devenir peintre.
En 1927, il explore la photographie, découvrant à travers l’objectif une attention accrue au détail, qui influencera durablement son regard de peintre. Il réalise sa première peinture en copiant The Blue Boy de Gainsborough, en y remplaçant le visage par un autoportrait. En 1931, il adopte officiellement le nom de Rozsda, qui signifie « rouille » en hongrois, et entre l’année suivante à l’École libre de peinture fondée par Vilmos Aba-Novák.
Après le suicide de son père en 1935, il bénéficie de son soutien posthume sous forme d’un atelier à Budapest. En 1936, sa première exposition personnelle à la galerie Tamás connaît un franc succès. Une œuvre est même acquise par le Musée des Beaux-Arts de Budapest.
En 1937, la musique de Béla Bartók bouleverse Rozsda : il perçoit une remise en question de son art et comprend qu’il n’est pas encore "contemporain de lui-même". En 1938, il s’installe à Paris, au cœur de Montparnasse. Il y côtoie des artistes majeurs tels que Giacometti, Max Ernst, Picasso ou Vieira da Silva, et enseigne la peinture à Françoise Gilot.
Durant l’Occupation, Rozsda vit clandestinement sous une fausse identité avec l’aide de Françoise Gilot. En 1944, il échappe aux travaux forcés et à la déportation, mais sa mère est assassinée pendant les rafles de Mohács.
Après la guerre, il enseigne et devient cofondateur de l’Európai Iskola (École européenne), collectif artistique d’avant-garde. Il y produit ses œuvres surréalistes majeures, notamment Amour sacré, Amour profane, salué par André Breton dans Le Surréalisme et la Peinture.
Avec l’arrivée du régime stalinien, Rozsda est interdit de peinture entre 1949 et 1955. Il se consacre au dessin et illustre des livres pour enfants. Ses croquis témoignent d’un regard aiguisé sur la vie quotidienne, influencé par sa solide formation académique.
En 1956, après l’échec de l’insurrection hongroise, il fuit clandestinement vers l’Autriche puis rejoint Paris en 1957. André Breton, soutenant son retour, organise une exposition à la galerie Furstenberg avec les œuvres de la période hongroise. Breton en signe la préface, saluant la puissance de résilience de l’artiste.
Dès lors, Rozsda expose régulièrement en France et à l’étranger. En 1961, il participe à l’Exposition internationale du Surréalisme à Milan. Joyce Mansour décrit alors son œuvre comme un monde onirique et somptueux, aux images riches et poétiques.
Il reçoit en 1964 le prestigieux prix Copley, décerné par un jury réunissant entre autres Marcel Duchamp, Max Ernst, Man Ray et Hans Arp. En 1966, il expose aux États-Unis, puis acquiert la nationalité française en 1970. Il participe à des expositions à Bruxelles, Munich, Paris, Claremont ou la Nouvelle-Orléans.
En 1979, Rozsda s’installe au mythique Bateau-Lavoir à Montmartre. Il poursuit son œuvre tout en multipliant les distinctions : en 1983, la manufacture des Gobelins réalise une tapisserie d’après sa toile Initiation ; en 1984, une rétrospective lui est consacrée au Bateau-Lavoir, inaugurée par Jack Lang ; en 1987, il est fait Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres.
Sa reconnaissance s'étend jusqu’à sa terre natale. En 1998, une rétrospective est organisée au Grand Palais (Műcsarnok) de Budapest, et il reçoit le titre d’Officier de l’Ordre du Mérite de la République de Hongrie. L’année suivante, il expose à la galerie Várfok, exposition inaugurée par l’écrivain Péter Esterházy.
Endre Rozsda meurt à Paris en 1999, fidèle à son art jusqu’au dernier jour. Il repose au cimetière de Montmartre, laissant derrière lui une œuvre singulière, nourrie d’exil, de mémoire, de surréalisme et d’un regard aigu sur le monde intérieur.
Endre Rozsda (1913-1999)
1988-1990
Huile sur toile
46 x 55 cm
Signée en bas à droite
Datée au dos 1988-1990
Acquis auprès de l'artiste
Collection privée par descendance
Authentifiée par les archives Endre Rozsda à Paris